Springeurop Paper 17

 



Stratégie européenne de sécurité et de défense : Un appel urgent a l’action !




Les constats :


  • L’Europe est confrontée à des périls nouveaux, proches et très sérieux en matière de sécurité et de défense qui ont été négligés depuis la fin de la guerre froide.


  • Tout notre mode de vie, notre liberté, notre démocratie et nos valeurs sont conditionnés par le maintien de notre sécurité.


  • Le prix d’une politique volontariste de renforcement de la sécurité est infiniment moindre que le prix de l’insécurité.


  • Tous les pays de l’OTAN se sont engagés sur un seuil minimal de dépenses pour la défense, de 2% de leur PIB (7% pour la Russie), mais dix États membres de l’Union européenne seulement atteignent ce seuil. Second contributeur en importance relative, après la Pologne, les États Unis y consacrent 3,49% de leur PIB en 2023 alors que se préparent à des élections incertaines et qu’ils pourraient afficher une nouvelle politique d’isolationnisme économique ainsi qu’une stratégie axée principalement sur le Pacifique.


  • L’efficacité des dépenses en matière de défense des États européens souffre de la lourdeur des procédures de commande publique et du manque d’interopérabilité entre les équipements américains prépondérants et les équipements militaires nationaux des grands États membres (France et Allemagne notamment), ainsi que ceux de la Grande-Bretagne.


  • Les États européens sont exagérément dépendants de l’industrie militaire américaine, 78% des armements acquis par les États membres de l’Union, l’étant hors de celle-ci et principalement aux Etats-Unis. En outre, l’utilisation par les européens des armements fabriqués chez eux mais contenant des composants américains, est le plus souvent, soumise à une autorisation préalable de Washington en vertu du « International Traffic in Arms Regulations » (ITAR).


  • La stratégie politique et industrielle de défense et de sécurité de l’Europe manque d’uniformité et son financement encore très disparate à ce stade est insuffisamment intégré dans le processus de budget pluriannuel de l’Union appelé EU MFF.

 


Les recommandations :


1. Renforcer le rôle de l’Europe dans l’OTAN : Sans remettre en cause l’utilité de la participation de la plupart des États membres de l’Union à l’OTAN, il semble essentiel de créer, au sein de cette Alliance, un pôle européen crédible, capable de peser davantage et de manière plus souveraine sur les décisions relatives à sa sécurité propre. Cela implique un transfert progressif de compétences régaliennes en matière de sécurité et de défense aux institutions communautaires, selon des mécanismes à définir qui respectent la procédure de codécision et donnent de larges pouvoirs d’exécution à la Commission.


2. Assurer la mise en œuvre de la Stratégie européenne en matière d’industrie de la défense : Il y aurait lieu de rendre obligatoire le plan de la Commission européenne adopté en mars 2024 et dénommé « European Defence Industrial Strategy » (EDIS), plan qui prévoit l’obligation pour les États membres de procéder à l’achat en commun de leurs équipements militaires à concurrence de 40% au moins et de se choisir des équipements construits au sein de l’Union à concurrence de 50 % au moins (60% en 2035).



3. Réduire la dépendance à l’égard des composants américains : Si l’Europe veut garder une réelle souveraineté en matière de défense, elle doit veiller à remplacer, dans les armements qu’elle produits, les composants américains actuellement utilisés, par des composants européens.



4. Améliorer la cybersécurité et la défense contre les guerres hybrides : L’Europe devrait également veiller à une complète autonomie de ses mécanismes de défense contre les guerres hybrides et les cyber-attaques, venant tant de l’extérieur que de l’intérieur et qui menacent nos démocraties.



5. Unifier les règles relatives aux marchés publics de la défense : Les règles relatives aux marchés publics du secteur de la défense dans les différents États membres devraient être unifiées et rendues moins bureaucratiques pour favoriser l’industrie européenne de l’armement. Il faut aussi favoriser les contrats à long terme si l’on veut que l’industrie investisse.



6. Coordonner les programmes de défense : Il faudrait identifier les priorités de chaque pays, leurs compétences spécifiques, savoir à quels programmes ils sont prêts à participer et définir une politique d’armement cohérente en désignant pour chaque projet un seul leader responsable d’assurer la coordination entre tous les participants.



7. Elargir les sources de financement de la défense : Le financement des entreprises de défense pourrait être nourri par plusieurs intervenants et notamment : (1) par les budgets nationaux, pour les arsenaux qui restent importants dans certains états ;(2) par un recours facilité à la BEI qui a une grande expérience du financement à long terme de l'industrie, pour les entreprises du secteur privé ; (3) par un  fonds européen de défense à constituer qui pourrait être géré par la BEI ; (4) et enfin, par les banques commerciales moyennant un assouplissement des règles ESG encadrant leur activité crédit.



8. Réaffecter les Fonds de financement existants : Dans le cadre du débat sur la nécessité d’un emprunt européen, ou la nécessité d’augmenter les ressources propres de l’Union ou d’augmenter les contributions des États membres, il faudrait d’abord veiller à utiliser toutes les ressources disponibles et non utilisées ou encore non indispensables, des autres programmes de l’Union.



9. Mieux cibler les budgets alloués à la défense : Il est impératif pour l’Europe tant de mieux définir sa stratégie de défense et de sécurité que de quantifier les budgets nécessaires pour atteindre les objectifs choisis et ce en adéquation avec les programmes défense existants des EM. Une meilleure discipline budgétaire de l’UE s’impose si l’on veut faire face aux impératifs d’investissements économiques, d’innovation et de défense, indispensables à l’amélioration de la compétitivité européenne.



10. Asseoir la crédibilité géopolitique de l’Europe : Le nouvel exécutif européen devra tenir compte du fait qu’outre ses défis défense et sécurité, l’Europe doit devenir un acteur géopolitique crédible ce qui suppose d’améliorer dans les 5 prochaines années sa croissance économique annuelle en la portant de 1,7 % à environ 2,5 %.



11. Encourager la coopération militaire : Des coopérations militaires ad hoc sur une base volontaire devraient être encouragées, pour pallier l’immobilisme lié à la règle de l’unanimité. Cette règle devrait d’ailleurs être abrogée en matière de défense commune. Il est par ailleurs indispensable d’assurer une totale interopérabilité des équipements militaires européens et d’intégrer les capacités européennes de fabrication de matériel militaire, de même que les systèmes de contrôle aérien.



12. Accroître la Force rapide d’intervention européenne : La force opérationnelle européenne d’intervention rapide de 5.000 hommes nous paraît dérisoire. Elle devrait être portée à 50.000 hommes au moins et rendue opérationnelle avant fin 2025 ; les décisions relatives à son engagement et son déploiement devraient être prises à la majorité qualifiée et les règles y relatives, précisées. La chaîne de commandement devrait être soigneusement définie.


Octobre 2024